Il y a quelques jours, il était difficile de passer à côté de cette info : Monoprix signe un accord avec Amazon pour distribuer ses produits alimentaires sur la plate-forme du géant américain. Vrai coup de génie ou erreur stratégique majeure ?

Toy’s’R’Us, le mauvais accord

Revenons un peu en arrière. En 2000, Toys’R’Us signe un partenariat exclusif avec Amazon pour la distribution de ses jouets. Amazon s’est déjà bien développé depuis sa naissance en 1995 mais ce n’est pas encore le géant que l’on connaît aujourd’hui. Amazon ne s’est pas encore lancé dans le secteur du jouet mais grâce à ce partenariat qui va durer – 6 ans -, Amazon va pouvoir accélérer et développer très rapidement sa connaissance du secteur d’activité. Lorsque le partenariat est rompu – Toys’R’Us se rendant compte de son erreur stratégique – il est déjà trop tard. Amazon a le savoir-faire, la connaissance métier et la confiance des clients, et peut désormais voler de ses propres ailes sur le secteur du jouet. Et les chiffres parlent d’eux mêmes.

A l’heure actuelle, Toys’R’us aux Etats-Unis, est sous la protection de la loi sur les faillites et fait face à un très lourd endettement. 

Un partenariat dont les deux firmes ont besoin

Alors pour Monoprix, le partenariat – non exclusif cette fois-ci – peut-il être réellement gagnant-gagnant in fine ?

L’offre alimentaire d’Amazon ne cesse de croître outre-atlantique. Être aidé de Monoprix pour s’implanter en France est un coup d’accélérateur formidable pour Amazon pour conquérir le marché de l’alimentaire, se positionner comme référent, y être reconnu et gagner la confiance des clients sur cette nouvelle offre.

De son côté Monoprix (groupe Casino) est un acteur incontournable de l’alimentaire qui, avec son offre implantée dans les centres-villes sur des petites surfaces, séduit une clientèle avec un certain pouvoir d’achat qui peut tout à fait correspondre au profil des abonnés Prime Now d’Amazon en quête d’expériences d’achats immersives, exclusives, innovantes et satisfaites dans des délais très courts. Par ailleurs, Monoprix se positionne de plus en plus à l’avant-garde de l’offre alimentaire en ligne en cherchant à se positionner à tous les niveaux de la chaîne (partenariat avec l’acteur britannique de la logistique Ocado, l’application de courses en ligne Jow, etc.).

Où va s’établir la relation client ?

Et demain ? Si l’un ou l’autre décide de mettre fin à la collaboration, qui d’Amazon ou Monoprix l’emportera ? Sur quelle plate-forme les internautes iront-ils acheté leurs produits alimentaires ? Chez l’expert du dernier kilomètre et de la livraison dans la journée et plus globalement de la logistique chez qui ils ont toutes leurs habitudes de commandes ou retourneront-ils sur la plate-forme de l’acteur traditionnel ? Le potentiel, offert par le partenariat avec Ocado d’ici un an et demi, sera-t-il suffisant pour faire déplacer le client d’Amazon vers la plate-forme de Monoprix ?

Avec ce partenariat, qui sera officiellement effectif courant 2018, la relation client va s’établir du côté d’Amazon : si les produits seront ceux de Monoprix, c’est bien Amazon qui va livrer et garder le contact avec la clientèle. Or la relation client est clé en ecommerce.

Face au GAFA, le double-jeu permanent

On peut noter aussi le double-jeu de la part de Monoprix. A la mi-février, Sarenza  affiche fièrement la négociation commerciale exclusive entamée avec Monoprix pour être racheté. Les raisons invoquées : le « combat déséquilibré » face au GAFA et la lutte que les deux entreprises françaises vont mener ensemble contre leur pouvoir. Monoprix entend ainsi renforcer sa présence sur la livraison du non-alimentaire et se positionner comme un acteur lifestyle.

Difficile de dire, si Stéphane Treppoz apprécie beaucoup le jeu qui se met en place avec Amazon : depuis cette annonce de la part des deux marques le 19 février, silence radio sur l’accord. Toujours est-il qu’il est intéressant d’observer quasi systématiquement ce double-jeu se mettre en place face aux firmes qui ont de grands pouvoirs : la critique contre Google, Facebook ou Amazon est permanente, notamment de la part des acteurs traditionnels qui se font bousculer, mais lorsque les partenariats courts-termistes que les GAFA proposent sont intéressants, rares sont les marques qui s’abstiennent de s’offrir à elles. A raison, ou à tort sans doute.

Revue de Presse

Numerama – 20.12.2016
Quand Monoprix se moque d’Amazon Go et de ses magasins du futur

L’Usine Digitale – 26.04.2017
Une app de paiement mobile, la (nouvelle) réponse de Monoprix à Amazon Go

LesEchos.fr – 28.11.2017
Monoprix réplique à Amazon avec le britannique Ocado

LCI – 20.02.2018
Avec Sarenza, Monoprix veut s’armer face aux GAFA

Lemonde.fr – 27.03.2018
Distribution : Monoprix s’allie avec Amazon

Image de couverture par SounderBruce (Own work) [CC BY-SA 4.0 (https://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0)], via Wikimedia Commons